Aeron ferme les yeux. Il sent le sol se dérober sous lui. Il prend peur, il se réveille. Le vieux Pierre ricane. Aeron replace les coudes sur la table afin de soutenir sa tête. Il a manqué s’endormir au milieu de repas. Une raillerie plus insistée de la vieille Rose, l’épouse de Pierre le réveille complètement. Son fils reprend son discours. Voix neutre dissertant sans fin d’économie et de gestion de droit et du liens du sang. Le vieux Pierre s’échauffe. Aeron ne s’en préoccupe pas. C’est ainsi chaque soir. Earth ne dit rien. Il est passé maître dans l’art de se faire oublier. Aeron lui fait un clin d’œil discret et l’apprenti rougit. La vieille passe le plat par-dessus sa tête. Aeron s’en empare et le tend à Earth. Earth n’y est pour rien si le vieux a décidé de déshériter son, fils en sa faveur mais la vieille et son fils lui en tienne rigueur. Ils ne le traitent pas mal, ils l’ignorent. Earth en souffre mais ne se plaint pas. Il se ressert de légume.
Aeron a faim mais il n’a plus le courage de manger. Dormir. Dormir.
Les jeunes des villes, tous des chiffes molles murmure Pierre en le regardant. Qu’il pense ce qu’il veut. Il n’a plus le courage de protester. Une semaine qu’il est là à trimer comme un malade. Que font les autres ? Pourquoi ne sont-il pas encore arrivé ?
Le vieux lui fait la leçon. Il vante les mérites d’une vie saine, du rapport avec la terre. « C’est la terre qui nous fait vivre ». Aeron s’en fout. Il respire une grande goulée d’air. Ca lui redonne un peu d’énergie. L’air, c’est ça qui nous fait vivre. Un homme ne survivrait pas cinq minutes sans air. Il souffle. Il renverse un verre. Pierre lui fait des gros yeux.
Il se racle la gorge. « La vigne est belle, mais elle manque d’eau » lance-t-il.
De toute façon il ne peut sortir deux phrases sans parler de ses vignes.
Il lance à Aeron un regard meurtrier. Il insiste. Plus un pet de vent pour nous ramener des nuages. Sa femme s’y met. Elle parle du temps qui se détraque, de la canicule à venir, du trou dans la couche d’ozone, des oiseaux migrateurs qui sont arrivés tôt et des cycles de la lune. « C’est un signe ».
Pierre ne lâche pas Aeron des yeux. Il joue distraitement avec sa fourchette pour se tenir éveillé. Il la repose soudain. « Je bosse toute la journée dehors, j’espère bien qu’il ne va pas se mettre à pleuvoir ». Marmonne-t-il
« Il pourrait pleuvoir la nuit » dit Pierre grinçant des dents.
Sa femme repart dans les aléas du climat. Pierre n’est pas convaincu. Aeron est pragmatique. « S’il pleut la nuit, la terre sera mouillée. Pas agréable ». Pierre est furieux. Aeron ne lui rend pas son regard. Il est fatigué. Le vieux est une tête de mule mais lui aussi. Earth les regarde tour à tour. La situation l’amuse, il se fait des paris seul dans sa tête sur l’issu du conflit. Il parie sur Aeron. Il le fascine.
Aeron réclame un verre de vin. Pierre lui sert de l’eau. « On annonce une tempête » dit le plus jeune. « Le genre qui saccage un verger en un clin d’œil ». Pierre maugréait dans sa barbe. Il va trop loin pense Earth. Pierre se lève. Il prend le téléphone. Aeron soulève difficilement sa tête. Il se demande ce qu’il fait. « J’appelle tes parents » dit-il comme en réponse à sa question informulée. Aeron blêmit, il le supplie. Pierre sourit. Il veut mater ce gosse.
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