jeudi 13 décembre 2007

Chapitre 6 Dispute

La pluie tombe régulièrement dehors, pas très fort, juste assez pour humidifier la terre et la rafraîchir. Pierre a donné congé aux vendangeurs pour deux jours. Un jour de pluie avait-il dit et un de soleil pour que le raisin soit gonflé et sucré à souhait.

« J’ai porté le repas de ton invité dans la bibliothèque comme il l’a demandé » dit Rose en entrant dans la cuisine et en déposant le reste du plat au milieu de la table. « Même pas la politesse de venir à table » marmonne-t-elle

Aeron pique une saucisse au milieu du plat et la ramène dans son assiette.

Tu ne peux pas attendre ton tour s’indigne madame Rose. « Non M’dame, j’ai trop faim.

Ou l’as-tu ramassé celui là ? » Dit-elle à son mari. « Et l’autre évaporée est partie ? »

Pierre bougonne entre deux bouchées. « Marine s’est absentée pour quelques jours.

- Pourrait prévenir, je suis pas un hôtel moi. »

Aeron se fait frapper le poignet par le manche d’une cuillère en bois alors qu’il farfouillait dans le plat à la recherche d’un morceau de choix.

- Aïe » s’exclama-t-il.

« Je m’en vais t’élever cette racaille moi. »

« Rose » s’exclame Pierre, « touche pas à Aeron.

- Alors qu’il ne touche pas à mon plat sans autorisation.

- Ce gosse est une pourriture mal élevée mais même s’il est loin d’en être digne c’est avant tout un maître dragon. S’il a besoin de quelqu’un pour lui faire la morale, c’est à moi de m’en charger. Et arrête de triturer ce plat » lance-t-il à Aeron.

Aeron resta un instant trop surpris par la brutalité avec laquelle Pierre lui avait tiré le poignet renversant du même coup la sauce de sa cuillère.

Rose en profita pour se plaindre à nouveau en désignant la tache de sauce sur la nappe à carreaux. « Y en a marre de tes crises de mysticismes qui nous ramènent ta bande de pique assiettes excentriques pendant des jours. Tu as passé l’age de jouer à ses sornettes

- Rose, je ne te permets pas !

- Tes élucubrations de dragons m’ont amusée quand j’avais 20 ans mais on ne tient pas un domaine avec des histoires pour enfants alors tu ferais mieux de perdre moins de temps avec tes jeux de rôle et plus sur la comptabilité de ton exploitation.

- Tu n’as jamais cru aux dragons de toute façon.

- Bien sur, faut bien que quelqu’un garde les pieds sur terre ici.

Tu crois que c’est facile d’assumer vos élucubrations Tu me vois racontant à mes amies. Merci pour l’invitation mais mon mari, non, il ne peut venir dîner ce soir, il se prend pour un dragon et fait des réunions avec d’autres illuminés. »

Earth devint toute rouge et Aeron, nullement perturbé, prit un bon morceau de pain avec lequel il se mit en devoir d’éponger la sauce de son assiette. Aeron, tu es jeune. Tu ne me feras pas croire que tu crois sérieusement à ses foutaises ».

Aeron mit un moment à réaliser qu’on s’adressait à lui et enfourna son morceau de pain dégoulinant de sauce dans la bouche. Il réfléchit rapidemment à la réponse qui serait la plus judicieuse afin d’attiser la dispute et parla la bouche pleine. « Si, j’y crois Madame Rose ».

Rose laissa tomber ses bras en signe de résignation. « Puisque c’est ainsi, je m’en vais ». Joignant le geste à la parole, elle se dirigea vers la porte. « C’est eux ou moi. Tu as le temps que je fasse ma valise pour te décider.

- Faut qu’elle me fasse sa crise en plein milieu des vendanges » remarqua Pierre.

« Tu crois qu’elle va vraiment se tirer ? » demanda Aeron fier de sa maigre contribution.

« Elle en est capable mais elle reviendra ». Dit Pierre. « Reste à savoir quand. » Puis se tournant vers Earth : « Il va falloir que tu t’attelles à la cuisine pendant quelque temps.

- Bien monsieur Pierre.

- Tu déconnes, elle fait les vendanges toute la journée, elle ne peut pas faire la cuisine en plus.

- Faudra bien si on veut manger. Quant à toi, tu as intérêt à me montrer tes capacités de coupeur et à t’activer pour laisser à Earth le temps de faire la cuisine.

- Je crois que je préfère m’occuper de la pitance.

- Plutôt crever que de manger de la viande préparé par tes soins. Tu ne sais même pas cuire un œuf correctement.

- On peut demander à Pyros. Quand il s’y met il te mitonne des trucs sympas et il sait te les cuire à point juste comme ça » dit-il en claquant des doigts

lundi 3 décembre 2007

ch5

Personne ne parle. Un verre est posé violemment sur la table de pierre du salon de réception. Le bruit se répercute en écho dans la salle. Un sifflement s’élève d’un coin de la salle. Aeron chantonne. Il a du mal à tenir en place. Il gesticule sans cesse son pied rythmant la mélodie qu’il continue à siffler le plus doucement possible.

Earth n’est pas assise à table. Elle a pris place dans un coin sombre, les jambes ramenées à elle sur un tapis élimé. Pyros lui jette un regard en fronçant les sourcils. Elle se détourne. Il lui fait peur. Elle observe Marine. Elle est belle. Elle aussi c’est une fille. Pourtant Monsieur Pierre l’aime bien et la complimente sans cesse. Mais ce n’est pas elle qu’il aime c’est ce qu’elle représente.

Pyros se met à rire. « Alors le vieux Pierre s’est pris une fille comme apprentie ».

Pierre ronchonne. « C’est un bon ptit gars.

- Avec tout ce qui faut où il faut. » Il se tape la poitrine des bras. Des bras épais, buriné, couvert de poils roux. Même Pierre a peur de lui. Il baisse la tête.

Earth est gênée, elle se recroqueville et dissimule sa poitrine menue sous ses bras.

« Courageux ptit gars qui n’a pas peur de se mouiller contrairement à d’autres ».

Pyros tape du poing.

Pierre ne se laisse pas faire.

« Les dragons ne vivent pas en bande » repense Earth.

« Ca suffit ». La voix cristalline de Marine emplit la salle. « Ces mesquineries n’ont pas leur place ici ». La main de Pyros se décrispe. Earth aime bien Marine. Une femme forte. Même Pyros la respecte. Plus que ça même. Il la craint. Elle aimerait être ainsi. Aeron continue à chantonner, se balançant sur sa chaise, totalement indifférent aux éclats de ses aînés.

Pierre lui jette un de ses mauvais regards. Il va se venger sur lui. Il se tourne vers Pyros. « Parce que tu te crois immortel toi ? Qu’attends-tu pour prendre un apprenti ? Que tu te fasses bouffer par une vague pour ensuite nous fourguer le boulot de former quelqu’un comme le prédécesseur d’Aeron ? Mon ptit gars, il vaut dix fois Aeron même s’il n’a rien entre les jambes. Et tu sais pourquoi ? Parce que je le forme jour après jour ».

Earth n’en revient pas. Elle n’a jamais entendu la vieux Pierre lui faire le moindre compliment. Ses yeux pétillent. Il est fier. Elle est fière. Ca n’a pas d’importance.

Un courant d’air s’infiltre insidieusement dans la vieille baraque. Pierre ne peut réprimer un frisson. Aeron chantonne toujours. Earth aurait voulu qu’il se tourne vers elle, lui fasse un sourire complice, quelque chose mais il se désintéresse d’elle complètement. Elle baisse la tête. Que pourrait-elle espérée, simple apprentie qu’elle est.

« Assez. » Le cri résonne. Même Aeron se fige.

Marine profite d’avoir l’attention. Ce n’est pas ce problème qui nous réunit.

Le vieux Pierre regarde par la fenêtre. « Mouhai le vrai problème, c’est le soleil. La vigne a besoin d’eau ». Il se tourne vers Marine. Son visage dur, se fait plus doux. Comme une supplication.

« Tu ne pense qu’à ça » reprend Pyros.

Pierre ressasse son éternel discours : « C’est la terre qui nourrit la vie ».

Pyros s’irrite. « C’est de la vinasse que tu fabriques. Ca n’a jamais nourri personne. Par contre ça en a empoisonné un bon paquet ».

Quelques veines gonflent sous la tension. Pyros soutient son regard. La salle chauffe. Marine soupire.

Aeron sourit. Il se tortille sur sa chaise sa jambe frappant le sol en un mouvement rythmique nerveux. Il frappe la table de ses mains. « Je commence. » I se racle la gorge « j’ai réfléchi à un truc. J’ai fait comme un postulat où il y aurait un Dieu qui aurait crée le monde. Je ne sais pas si c’est le cas et je m’en fout, mais il y a des tas de gens depuis des tas d’années qui y croit alors ou il sont tous fêlé de la tête soit il y a bien un truc. Ouhai je sais, vous allez penser qu’est-ce qui nous branle Aeron, voila qu’il fait le mystique.

- On va surtout se dire que si Aeron veut garder la parole il ferait bien de se tenir en place, de parler correctement et de dire des choses intelligentes. Vous voyez ce que je veux dire à propos des gosses mal élevés » dit-il désignant Aeron. Il insiste devant le silence des autres. « Mais écoutez la façon dont il parle.

- Houlà, Pierre, y a pas de mal. Je te respecte et tu me respectes.

- Je vais lui foutre une branlée à ce gosse. »

Pierre se dresse sur sa chaise. Marine regarde par la fenêtre les jardins jaunis par la sécheresse. Earth se tasse dans son coin. Pyros incite Pierre à se rasseoir. Il est d’accord avec lui. Aeron est un sale gosse. Laissé trop libre par ses parents, manque d’éducation mais quelque chose en lui le rempli d’allégresse. Sa jeunesse peut-être. Il l’amuse. Plus jeune il lui ressemblait. Aussi insouciant. Comme si le monde entier lui appartenait. Il continuait :

« Je prends un exemple : Il y a un mois, Il y a un mec, genre costaux, gros bras. Il me dit, tu me files ton fric. Je lui dis non. Il me dit : alors je te casse la gueule. Je lui dis essaie pour voir » Aeron ouvre les bras comme pour signifier qu’il a fini sa démonstration.

« Et ? » demande Pyros.

Pierre marmonne : « Tu tiens vraiment à le savoir ? Tu imagines sans doute qu’il est allé se plaindre au proviseur ?

- Tu piges rien mon pote. Je reprends mon trip de Dieu. Imaginons que Dieu ait crée le monde. Pourquoi l’a-t-il fait ? Cherche pas je te donne la réponse. Il l’a fait car il en était capable. C’est pas génial peut-être mais il a fait ce qu’il a pu. Peut-être que c’était un pari avec un autre Dieu genre même pas cap de créer un monde.

Vous saisissez ?

- Non » dit Pierre. Pyros sourit, secoue la tête. Il ne comprend rien mais ce gosse l’amuse. Marine regarde toujours par la fenêtre. Quelques gouttes tombent sur le jardin.

« Je vais essayer d’être plus clair. Dieu, il ne s’est pas posé de questions genre métaphysique et tout le tralala comme vous faites ici chaque année. Non, il en était capable, il l’a fait. Comme ça, pour se distraire. Il a pas passé des heures avec ses potes dieux pour se demander d’ou il venait, quel est la destiné de son être. Non, Dieu, il ne se prend pas la tête.

- C’est peut-être pour ça quel monde tourne pas rond fait remarqué Pyros. »

Pierre regarde par la fenêtre. La pluie tombe dru. Il sourit. C’est bon pour ses vignes. Marine répond à son sourire.

Aeron continue son discours. « Tu as des capacités, tu les utilises. Point barre. Peut-être bien qu’après, en effet, il s’est dit que c’était pas une bonne idée. Aeron hausse les épaules. Et alors, au fond, s’il ne l’avait pas fait nous ne serions pas là. Je vais plus loin. Peut-être que quand il s’est dit c’est pas génial, il a voulu améliorer le truc en y mettant des gens capable de prendre les choses en main mais que ces gens n’ont rien branlé alors que c’est pour ça que ça continue à merder »

Pyros s’éloigne de la fenêtre. Il se rapproche de l’âtre. « Continue gamin ».

Pierre se renfrogne. « Tu ne vas pas l’encourager dans ses élucubrations. »

Aeron est fier, il reprend la parole. « C’est une métaphore Pierre » Autre exemple : « Vous lisez des comics ? » Je te le demande pas à toi Pierre, je connais la rengaine : assassiner des arbres pour fabriquer de la paperasse pas même bonne à se torcher le cul.

Marine fronce les sourcils, Pierre serre les poings, Pyros se retient de rire

« Ben oui » continue Aeron, « le vieux Pierre quand il marmonne tout seul, c’est pas un exemple de langage châtié quoiqu’il en dise. Bref, les comics. Une bande de super héros qui se gâche la vie à sauver des gens. Résultat, plus ils sont forts plus les méchants le sont aussi, et au final, tout est pareil. Les méchants sont toujours là, eux ont leur vie pourrie, la plupart du temps même pas une nenette à se mettre sous la dent. CQFD.

- Tu comprends ce qu’il raconte ? » dit Pierre. Pyros éclate de rire. « J’ai cru mais là non pas un mot. » Marine regarde la pluie.

« Bordel » reprend Aeron, « je veux juste dire que c’est inutile de se prendre la tête. Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a pour se faire sa vie pénard ou sauver le monde, comme il veut. C’est notre destiné à tous et il n’y a rien de mal. La seule chose qui est mal, c’est de se torturer inutilement avec des questions existentielles.

On sait tous ce que Pyros veut nous raconter. Il va nous dire qu’après avoir passé plusieurs années dans des livres moisis à se taper des textes incompréhensibles, il en est sorti que quelques anciens dérangés de la tête ont prédit le retour des dragons. J’ai bien résumé le truc Pyros.

- C’est en effet l’idée générale.

- Ok, et du coup, on se prend la tête pour savoir et pourquoi ? et quand ça ? Et qu’est ce qu’il en résulterait ? et si c’est bien ou pas bien et patati et patata. Et faut-il ou faut-il pas

Moi je dis, c’est pas les bonnes questions. On ne peut pas réfléchir l’avenir, il faut le vivre.

Les prédictions, c’est de la connerie. Mais ce qui est vrai, palpable. Il frappa bien le bois de la table pour accompagner ses dires. C’est que, oui, il faut réveiller les dragons et pourquoi ? Simplement parce qu’on peut le faire » dit Aeron se renversant sur sa chaise. Il se rattrapa inextremis au montant de la cheminée tandis que sa chaise suivait le mouvement et partait en arrière. Un léger coup supplémentaire de Pierre et elle bascula en arrière entraînant Aeron avec elle. « T’es un malade » s’indigna-t-il en se relevant. « J’aurais pu me rompre le cou.

Le vieux Pierre se mit à rire. « Ca t’apprendra à te tenir correctement ».

Marine fronça les sourcils mais ne dit pas un mot.

Pyros hésita.

« Je crois avoir compris ton raisonnement » dit Pierre.

Toutes les têtes se tournèrent vers le vieil homme. « Il faut faire ce qu’on veut sans se préoccuper de l’avenir.

- C’est un bien grand mot » dit Aeron.

« Non, ca me va » dit Pierre. « Alors, pour suivre le raisonnement de notre jeune Aeron, je dis qu’il n’y aura pas de dragon parce que je l’ai décidé. Et que comme c’est moi le chef. J’ai le pouvoir de vous l’imposer. »

La séance est levée

Ch 4 Earth et Aeron

Earth s’essuie le front, se redresse et met ses mains sur les hanches. Elle a beau faire les vendanges depuis l’age de treize ans, son dos ne s’y habitue pas. Elle s’accorde une pause afin de boire quelques gorgées d’eau à la bouteille qu’elle repose au bout de la rangée suivante. Autant la fin du mois de septembre avait été froide autant le début octobre avait commencé par un temps ensoleillé et des températures dignes d’un mois d’août. Par réflexe elle chercha des yeux Aeron comme elle le faisait si souvent. Il agitait les bras à quelques rangées d’elle. Elle crut un instant qu’il cherchait à capter son attention et juste avant qu’elle se décide à lever le bras pour lui répondre elle aperçut une autre fille la devancer. Elle rougit d’avoir eu la prétention de penser qu’Aeron aurait pu s’adresser à elle. La fille en question était plus jolie. Une vraie poupée. Et intelligente. Elle était étudiante en médecine. Aeron enjamba le câble retenant la vigne pour s’approcher d’elle tout sourire. Il ne lui restait qu’une légère ecchymose autour de l’œil et au fond il en était encore plus séduisant. Elle n’entendit pas se qu’il lui dit mais la fille détourna la tête en souriant. Peut-être lui avait-il proposé un rendez-vous. D’autres étudiants s’approchèrent d’eux. Marc visait une cible imaginaire de ses doigts. Il aimait à se vanter de son habileté au tir. Il faisait les vendanges pour avoir de l’argent pour acheter des armes. Une collection que réprouvaient ses parents. Mais il était bon. Il avait fini deuxième au nationales de tir l’année dernière. Il y avait aussi Julien, plus discret mais qui était le seul à lui dire bonjour. Une véritable petite bande. Chaque année Pierre embauchaient des étudiants pou les vendanges. La propriété étant loin de tout, il leur fournissait logement et nourriture. Earth les entendaient rires parfois tard le soir et Aeron quoique le plus jeune s’était vite imposé comme leader. Earth ne se mêlaient pas à eux. Elle aurait voulu mais elle n’osait pas. Une fois Aeron lui avait proposé de manger avec eux. Il l’avait interpellé devant tout le monde. Son cœur avait bondi dans sa poitrine mais elle avait décliné l’invitation. Elle ne voulait pas que ces étudiants se rendent compte qu’elle était bête et manquait d’instruction. Ils se moqueraient d’elle.

Vous ne voulez pas que je vous apporte aussi des rafraîchissements bande de feignasses !

Earth se replongea dans la vigne dare dare au son des hurlements de Pierre puis se rendit compte que les récriminations visaient la petite troupe autour d’Aeron. Ils se remirent au travail. Pierre attrapa Aeron tandis qu’il s’apprêtait à enjamber à nouveau la rangée de vigne. Earth coupa vite quelques grappes supplémentaires en les voyant approcher. « Tu saccages tout en traversant ainsi » lui disait Pierre. « Je t’ai dit dix fois de rester dans ta rangée. Mais non, monsieur préfère flirter plutôt que de bosser et avec quoi en plus ? Une vulgaire précieuse des villes. » D’un geste brusque il l’envoya sur la rangée face à Earth qui se força à ne pas relever la tête devinant à peine à la limite de son champ de vision le sourire de Aeron.

« Mais quelle charmante vision, un bonne fille de la terre et bien élevé en plus ». Lui lança-t-il

Earth baissa encore plus la tête et devina juste l’ombre du bras de Pierre qui envoya une bonne taloche à Aeron. « Aouch » cria-t-il « si tu poses encore la main sur moi, tu peux dire adieu à ton raisin.

- Touche pas, les dragons ne vivent pas en bande » maugréa-t-il.

Earth fut soulagée d’entendre le mouvement des feuilles et le grincement du sécateur de Aeron et elle se concentra à nouveau sur son travail, ralentissant juste un peu pour ne pas laisser Aeron trop loin derrière elle.

« Psst » lui fit ce dernier quelques pieds de vignes plus loin. Elle releva la tête et en profita pour s’éponger à nouveau le front avec la manche de son tee shirt informe taché de raisin.

« Te voilà promue au rang de dragon » souffla Aeron.

Elle haussa les épaules. « Quand ça l’arrange » dit-elle en coupant une nouvelle grappe avant de l’envoyer dans son panier. Aeron lui prit le bras l’empêchant d’avancer et elle frissonna.

« Tu t’es coupée » dit-il désignant l’estifade sur son avant bras.

« Oui avec une branche.

- Tu devrais soigner ça.

- J’ai l’habitude, je m’en occuperai à la pause.

- Parce qu’il y a des pauses, c’est nouveau ça ?

- A la fin de la journée.

- je me disais aussi fit Aeron. « Je pourrais organiser une grève »

Elle coupa encore une grappe. Cette écorchure était bien la dernière de ses préoccupations et elle avait espéré autre chose quand il lui avait attrapé le bras. Elle lança un regard en biais à la fille blonde et remarqua qu’elle ne lâchait pas Aeron des yeux. Ce dernier avait repris son travail et ne se préoccupait plus d’elle. Earth en ressentit un certain plaisir mais elle ne se fit pas d’illusion, ce soir il reprendrait ses avances. Une légère brise se leva alors qu’elle s’épongeait de nouveau le front. « Merci » dit-elle à Aeron. Ce dernier ne releva même pas la tête. « Pas de quoi » dit-il. Ne trouvant rien à ajouter, elle augmenta la vitesse de son travail afin de prendre de l’avance. Non seulement elle n’était pas jolie mais en plus, elle était sotte et n’avait pas de conversation.

Ch 3 Ambre Earth

Par la fenêtre, Earth regarde la pluie tomber. Il doit y aller. Qu’il pleut, qu’il neige ou qu’il vente, le vieux ne lui accorde aucun répit. Il pense à Aeron. Il doit dormir. Il a gagné un jour de relâche. Sans doute une concession du vieux. Mais lui, jamais il ne pourrait faire plier le vieux propriétaire terrien. Autant faire plier un chêne. Le vent peut déraciner un chêne pense-t-il sans raison. Le feu aussi peut le détruire. Lui, il doit bosser, encore et toujours. Un jour, il sera récompensé. C’est cette idée qui le fait tenir. Et aussi un peu de fierté. Le vieux Pierre travaille encore plus dur que lui. Il en demande beaucoup à ses ouvriers mais il en fait encore plus lui-même. Toujours sur le terrain avant les premières lueur de l’aube. On peut l’apercevoir parfois tard le soir examinant les feuilles de vignes à la lampe torche tentant d’y déceler le signe avant coureur d’une maladie ou quelques chenilles. Il baille encore une fois, s’accorde une dernière minute de fatigue, s’étire et se met au travail. Il fait frire du lard, trois œufs et met des toasts à griller. Le vieux Pierre entre dans la cuisine. Il s’ébroue tel un chien.

« Ca tombe » se contente de faire remarquer Earth. Pierre marmonne. Il a l’humeur d’un perdant. « Beaucoup de vent et juste quelques gouttes. Pas de quoi nourrir le sol. Le vent vient de la mer mais l’air n’est pas assez humide ».

Il ne s’avouera jamais vaincu. Il tend son assiette. Son apprenti y fait glisser les œuf et le lard puis lui ajoute deux toasts.

« Où est ce fainéant ignare d’Aeron ?

- Il dort je suppose. Il paraît que vous lui avez accordé un répit ».

Le vieux fuse de colère. Il risque d’avoir besoin d’un bouc émissaire. Earth tente de se faire oublier en baissant la tête.

« Sale gosse de ville ». Il continue de maugréer tout en mangeant. Earth s’attelle à la vaisselle. Il n’aime pas le voir ainsi. Il s’inquiète. Il craint que les disputes incessantes entre Aeron et Pierre tournent mal. Il est du côté d’Aeron. Il trouve que Pierre exagère. Il a un tempérament trop bourru. Trop terre à terre. Il oublie d’évoluer avec le monde qui l’entoure. Mais il n’oserait pas le lui dire.

« Toujours pas de nouvelle de Marine ? »

Earth secoue la tête puis se reprend. Pyros a appelé hier. Il a dit qu’il arriverait dans la journée sans doute avec Marine.

- A quelle heure

- Il n’a pas précisé. Je crois que Marine est restée chez lui plus longtemps que prévu. Elle voulait profiter de la mer.

- On ne peut jamais compter sur personne ici. Jamais là quand on a besoin d’elle. Toujours à papillonner, a faire sa belle des Iles. Tous des fainéants.

Faire des compétitions, ce n’est pas une vie.

- Elle donne des cours je crois.

- Je sais oui, de surf. Pas sérieux ça »

Il y a du bruit dans l’escalier. Un souffle d’air froid qui le fait frissonner. La tempête redouble à l’extérieur. De fines gouttelettes ruissèlent le long de la vitre. Il fait sombre. Pourtant, il n’est pas si tôt.

Aeron apparaît dans l’encadrement de la porte. Il rayonne. Il est encore en pyjama, ses cheveux ébouriffés. Il nargue le vieux. Il sait qu’il a horreur de ne pas voir ses gens propre et soigné dès l’aube.

« Vous ne profitez pas de votre journée pour faire la grasse matinée Aeron ? »

Il se tourne vers l’apprenti, sourit de plus belle. C’est ce qu’il pensait. Il est venu expressément pour voir le vieux. Pour le narguer, pour qu’il puisse le voir se prélasser toute la journée. Ca finira mal. Earth voudrait trouver un prétexte pour s’éclipser mais Pierre lui redemande du lard. Aeron fait la grimace. Il a horreur de l’odeur de charcuterie au petit déjeuner. Il préfère le sucré. Il prend des toasts, de la confiture, attrape une chaise et pose les pieds sur la table

« Tu te crois où gamin ? »

Earth retint sa respiration. Ca va mal finir. Une rafale fait trembler la vitre. A moins que ce soit la terre qui bouge. Le jeune et le vieux se fixent. Aeron éclate de rire. Il repose ses pieds sous la table. Earth expire l’air de ses poumons. Il met de l’eau à chauffer. Le vieux se lève. Il sort en maugréant des paroles incompréhensives. Le vent glacé s’infiltre par la porte ouverte. Aeron hausse les épaules, prend un autre toast. Earth ferme la porte. Il hésite. Tourne sa langue dans sa bouche, prend une bonne inspiration et se lance : « vous ne devriez pas.

- Je ne devrais pas le narguer c’est ça ? »

Earth acquiesce.

« Il fait chier le vieux. Il a pris l’habitude de tout régenter ici.

- Il est chez lui. » Aeron remet les pieds sur la table. Il se sert une tasse de café. « Comment tu peux le défendre ainsi, c’est un tortionnaire.

- Il est un peu bourru mais il a un bon fond ». Aeron tousse. Il s’est étranglé en buvant. « C’est toi qui me dit ça !

- Regarde-toi ! Comment t’appelles-tu au fait ?

Earth s’étonne. « Je m’appelle Earth. »

Aeron essuie le café qui a coulé le long de sa joue. Il secoue la tête. « Ton vrai nom. Pas celui que le vieux t’a donné comme si tu étais sa propriété.

Earth rougit. Il cache son visage dans l’ombre. Il a cette habitude de toujours s’insinuer dans les coins sombres. « Ambre. Je m’appelais Ambre ».

Aeron ricane. « Pourquoi il a changé ton nom ainsi ? Peut-être trouvait-il que ce n’était pas assez viril, pas assez masculin ».

Earth s’inquiète. Il tourne la dos à Aeron, attrape un chiffon, frotte un peu le plan de travail. « Je dois aller retrouver Pierre. J’ai du boulot qui m’attend.

- Tu veux que je dise ce que je crois ? Je pense qu’il est à mettre au rebut. Il vit dans un autre siècle. L’esclavage, c’est fini. Et quoi ? Il est vexé d’avoir une fille comme apprentie ? C’est pas digne de lui sans doute. C’est pour cela qu’il te fait passer pour un garçon. » Earth bafouille, se mord la lèvre ne sait que dire. Il ne peut pas comprendre. Pierre l’a ramassé au fond d’un caniveau. Il a été bon pour lui. Pour elle. Il y avait des jours où elle-même ne savait plus. Elle préfère s’éclipser enfilant un vieil imperméable sur son pull trop large et son jean délavé sur son corps filiforme. Le miroir lui reflète fugitivement son visage. Ses cheveux ondulent de quelques boucles. Ils sont trop longs. C’est peut-être ça qui l’a trahie. Ceux de la ferme ne le remarquent pas car elle sait se montrer discrète. Personne ne fait attention à elle. « Tous les employées savent que je suis une fille mais Monsieur Pierre dit qu’une fille ne peut se faire respecter dans ce métier alors il préfère qu’on m’appelle Earth. Mais je m’appelle réellement ainsi. C’est juste que c’est mon nom de famille et pas mon prénom.

- Ce fossile vit dans un autre siècle.

- Il est comme il est. Il a été bon pour moi. A sa façon. C’est juste qu’il se contrôle mal quand il est en rogne.

- J’ai compris le message. Je ferais un effort pour la fermer mais tu connais le proverbe.

- Quel proverbe ?

- Les dragons ne vivent pas en bande.

- Jamais entendu.

- Et pourtant, c’est tellement vrai. »

Aeron se lève et fait glisser son assiette sale sur la table. Earth s’en empare et l’ajoute à sa pile de vaisselle et reprend son travail.

Elle laisse glisser l’assiette dans la mousse et tourne la tête quand Aeron l’interpelle de nouveau depuis l’embrasure de la porte. « Au fait, tu n’as jamais essayé de t’habiller en fille ? »

Elle se concentre dans sa tâche afin qu’Aeron ne la voit pas rougir. « Non, enfin pas depuis que je travaille ici.

- Tu devrais, je suis sur que avec des fringues correctes tu ne serais pas si mal ».

Aeron a disparu. Elle entend ses pas montant à toute vitesse les marches de bois. Elle lâche une grande expiration pour se détendre et se force à penser au travail de la journée. Le sourire d’Aeron semble gravé dans sa tête et elle a du mal à se concentrer. Peut-être qu’en effet elle pourrait s’acheter une robe avec les quelques pièces que lui avait donné Pierre. Elle se surprend à se regarder dans le miroir au dessus de l’évier. Des cheveux filasses, des yeux marrons quelconque, quelques taches de rousseur. Si elle mettait une robe, Aeron se rendrait compte qu’elle n’est pas jolie pour autant. Ce n’est qu’une pauvre fille de la terre. Elle soupire et reprend son travail. Madame Rose n’est pas là aujourd’hui. Elle est partie tôt le matin pour accompagner son fils et petit fils à l’aéroport. Pierre s’est arrangé pour être sorti avant son départ pour être sur de ne pas avoir à lui dire au revoir. Il promet d’être d’une humeur massacrante toute la journée. Au moins, comme elle doit s’occuper de la maison, elle commencera la coupe du raisin plus tard aujourd’hui. Elle s’attela à ranger la vaisselle quand un mouvement par la fenêtre attira son attention. Aeron traversait la cour les mains dans les poches. Il va le narguer pensa-t-elle. Si seulement, elle pouvait entrer dans un trou de souris, se rouler en boule et attendre. Au lieu de cela, elle prit une éponge et nettoya la table avant de s’emparer du balai. Elle ferait les chambres aussi. Marine et Pyros viendraient sous doute bientôt. Peut-être était ce pour cela aussi que Madame Rose avait décidé de s’absenter toute la journée. Elle ne les supportait pas.

Earth ôta son tablier et se dirigea à l’étage. Elle ouvrit les fenêtres pour aérer et faillit se faire renverser par la force avec laquelle la vitre s’ouvrit dès l’enclenchement du mécanisme d’ouverture. Le vent s’était levé. Des portes claquaient dans toute la maison et Earth se dépêcha de les fermer toutes pour éviter les courants d’air. Elle mit une litière propre dans les chambres d’amis et même si les pièces sentaient encore le renfermé elle se dirigea vers la fenêtre pour la fermer, le vent apportaient une telle quantité de feuilles et poussières maintenant que si elle laissait ouvert elle serait bonne pour passer un nouveau coup d’aspirateur. Elle poussa de toutes ses forces pour fermer la vitre et lâcha d’un coup. Le montant lui frappa le bras en s’ouvrant à la volée. Elle se contenta de le frotter par réflexe avec l’autre main. Face à elle, un tourbillon se formait autour des chaix. « Ho non» murmura-t-elle en voyant la colonne s’élever. Elle tenta encore de fermer la vitre mais renonça et se précipita dans l’escalier. Arrivée dans la cuisine, elle s’agrippa à la porte de la cave et hésita se tournant vers la vitre à l’opposée de la pièce, la colonne avait disparue mais le vent était tel que toutes les vitres tremblaient. Elle se laissa glisser contre la porte de la cave. Si le phénomène amplifiait, elle descendrait.

La porte de la cuisine s’ouvrit dans un fracas et elle hurla en se bouchant les oreilles et fermant les yeux.

« Il y a un problème ? » Elle ouvrit les yeux en entendant parler. Marine et Pyros se trouvaient devant elle, chacun une valise à la main.

Elle désigna la fenêtre. « Ca souffle en effet ».

Elle acquiesça.

On est arrivé à temps, remarqua Pyros sur la route nous n’avons pas eu de soucis. Je ne voudrais pas rouler avec une telle tempête.

« Le phénomène semble localisé » dit Marine en regardant les arbres quasiment couchés par la fenêtre. Elle n’avait pas besoin d’en dire plus.

Earth se rappela ses devoirs. « Monsieur Pierre est très pris par les vendanges. Je vais le prévenir de votre arrivée. » Elle regarda encore dehors et hésita.

« Ne le presse pas » dit Marine. « Peut-être pourrais tu nous montrer nos chambres. Ainsi nous pourrions déjà déballer nos affaires.

- Bien sur » dit Earth, « ce sont les mêmes que d’habitude ». L’apprentie précéda les invités dans l’escalier et se recroquevilla tandis qu’une bourrasque faisait trembler toute la maison.

« Ne t’inquiète pas » dit Marine en posant une main sur son épaule, « tu ne risques rien. Ca va se calmer

- Oui » dit-elle nullement convaincue.

Elle ouvrit les portes des deux chambres et s’effaça pour laisser entrer les invités. « J’ai mis des serviettes propres dans les salles de bains. Il y a du savon aussi et pour l’eau chaude, il faut laisser couler un petit moment. Si vous avez besoin de quoi que se soit.

- On te prévient » finit Pyros.

« Oui » dit Earth. Elle les laissa s’installer et redescendit à la cuisine. Le vent s’était calmé et le silence revenu.

Earth s’assit soulagée sur la première chaise venue. Encore une porte qui claque mais cette fois c’est Aeron qui entre en trombe. Il a la moitié du visage en sang. Earth se précipite mais il la repousse.

« Que s’est-il passé ? «

Aeron se passe le visage dans l’eau. « T’occupe. Passe moi de la glace s’il te plait »

Earth se pinça la lèvre.

« Putain, la glace, dépêche toi » dit Aeron un torchon sur l’œil. « Pas envie de ressembler à ET moi ».

Ch. 2 Aeron Pierre

Aeron ferme les yeux. Il sent le sol se dérober sous lui. Il prend peur, il se réveille. Le vieux Pierre ricane. Aeron replace les coudes sur la table afin de soutenir sa tête. Il a manqué s’endormir au milieu de repas. Une raillerie plus insistée de la vieille Rose, l’épouse de Pierre le réveille complètement. Son fils reprend son discours. Voix neutre dissertant sans fin d’économie et de gestion de droit et du liens du sang. Le vieux Pierre s’échauffe. Aeron ne s’en préoccupe pas. C’est ainsi chaque soir. Earth ne dit rien. Il est passé maître dans l’art de se faire oublier. Aeron lui fait un clin d’œil discret et l’apprenti rougit. La vieille passe le plat par-dessus sa tête. Aeron s’en empare et le tend à Earth. Earth n’y est pour rien si le vieux a décidé de déshériter son, fils en sa faveur mais la vieille et son fils lui en tienne rigueur. Ils ne le traitent pas mal, ils l’ignorent. Earth en souffre mais ne se plaint pas. Il se ressert de légume.

Aeron a faim mais il n’a plus le courage de manger. Dormir. Dormir.

Les jeunes des villes, tous des chiffes molles murmure Pierre en le regardant. Qu’il pense ce qu’il veut. Il n’a plus le courage de protester. Une semaine qu’il est là à trimer comme un malade. Que font les autres ? Pourquoi ne sont-il pas encore arrivé ?

Le vieux lui fait la leçon. Il vante les mérites d’une vie saine, du rapport avec la terre. « C’est la terre qui nous fait vivre ». Aeron s’en fout. Il respire une grande goulée d’air. Ca lui redonne un peu d’énergie. L’air, c’est ça qui nous fait vivre. Un homme ne survivrait pas cinq minutes sans air. Il souffle. Il renverse un verre. Pierre lui fait des gros yeux.

Il se racle la gorge. « La vigne est belle, mais elle manque d’eau » lance-t-il.

De toute façon il ne peut sortir deux phrases sans parler de ses vignes.

Il lance à Aeron un regard meurtrier. Il insiste. Plus un pet de vent pour nous ramener des nuages. Sa femme s’y met. Elle parle du temps qui se détraque, de la canicule à venir, du trou dans la couche d’ozone, des oiseaux migrateurs qui sont arrivés tôt et des cycles de la lune. « C’est un signe ».

Pierre ne lâche pas Aeron des yeux. Il joue distraitement avec sa fourchette pour se tenir éveillé. Il la repose soudain. « Je bosse toute la journée dehors, j’espère bien qu’il ne va pas se mettre à pleuvoir ». Marmonne-t-il

« Il pourrait pleuvoir la nuit » dit Pierre grinçant des dents.

Sa femme repart dans les aléas du climat. Pierre n’est pas convaincu. Aeron est pragmatique. « S’il pleut la nuit, la terre sera mouillée. Pas agréable ». Pierre est furieux. Aeron ne lui rend pas son regard. Il est fatigué. Le vieux est une tête de mule mais lui aussi. Earth les regarde tour à tour. La situation l’amuse, il se fait des paris seul dans sa tête sur l’issu du conflit. Il parie sur Aeron. Il le fascine.

Aeron réclame un verre de vin. Pierre lui sert de l’eau. « On annonce une tempête » dit le plus jeune. « Le genre qui saccage un verger en un clin d’œil ». Pierre maugréait dans sa barbe. Il va trop loin pense Earth. Pierre se lève. Il prend le téléphone. Aeron soulève difficilement sa tête. Il se demande ce qu’il fait. « J’appelle tes parents » dit-il comme en réponse à sa question informulée. Aeron blêmit, il le supplie. Pierre sourit. Il veut mater ce gosse.

dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 1 : Présentation des personnages.

Marine

Une plage des tropiques, une mer turquoise et du sable blanc. Un parasol au bord de l’eau, une femme : Marine. Un peu plus loin, un hélicoptère et dans l’eau une planche.

Une tête surgie hors de l'écume, un homme, il se hisse sur la planche profitant d’une accalmie entre deux vagues. De ses bras il rame pour faire face à la vague suivante. Sur le sable la femme fait la grimace et d’un geste nerveux remonte ses lunettes de soleil. Cette vague est plus forte que la précédente et le courant la dévie sur la gauche. La femme fait un geste de dénégation avec la tête. L’homme tente de se lever sur sa planche mais la planche est emportée et la vague le submerge. La femme se lève. Elle scrute l’endroit où l’homme a disparu. La vague s'étire. La tête de l’homme réapparaît. Il s’accroche à sa planche, se laisse porter par la vague suivante sans tenter de se lever jusqu’à la plage.

« Tu vas trop vite » dit-elle dès qu’il arrive à portée de voix. « Tu es trop pressé et tu n’attends pas la vague. Tu n’observes rien, tu prends tes repères par rapport à la plage et non à la vague. Si tu ne te concentres pas plus, tu ne seras jamais prêt à temps. »

L’homme soupire, laisse tomber sa planche sur le sable et s’assoit dessus.

« C’est pas bon aujourd’hui.

- Bien sur et si les conditions ne te plaisent pas le jour de la compétition tu n’auras qu’à demander de concourir un autre jour ».

L’homme tend la main sous le parasol, soulève la glacière et en retire un soda. « Et toi Marine, c’était quoi ton excuse pour abandonner ta compétition ? Non ne me dis pas, je m’en souviens, tu étais attendue ailleurs.

- C’est vrai.

- Et tu vas tout plaquer sur un coup de tête. Je ne peux pas le croire, l’apnée, c’est toute ta vie.

- Qu’est ce que tu connais de ma vie ?

- Je sais que tu aurais pu être une sacré championne de surf et que tu pourrais encore sans doute te distinguer mais que tu as tout plaqué la veille de la coupe du monde. Je sais que tu n’es pas loin de gagner le trophée d’apnée mais que tu vas aussi tout abandonner à un doigt de la victoire. Il me reste à savoir pourquoi. En général, les gens ont peur de perdre mais toi, on dirait que tu as peur de gagner

- Tu n’es peut-être pas aussi idiot que tu parais » dit-elle en souriant.

« C’est stupide ».

Elle hausse les épaules « c’est ainsi ». Elle regarde l’océan. Elle aimerait se baigner, l’eau l’appelle, ce serait presque un besoin. Elle se sent mieux dans l’eau que sur le sable mais le temps presse, c’est vrai qu’elle a un rendez-vous. Elle attrape le parasol et le referme avant de le mettre sous le bras. D’un geste du doigt elle désigne la glacière, l’homme s’en empare et tout deux se dirigent vers l’hélicoptère. Elle prend la place du pilote. On ne peut pas dire qu’elle aime voler, mais c’est pratique pour atteindre certains spots pour entraîner ses élèves alors elle a passé son brevet hélico. Un dernier regard au soleil qui décline sur l’horizon puis a celui qui monte à ses cotés. Il est vexé qu’elle ne reste pas le soutenir pour la coupe. Elle comprend. elle aussi voudrait rester mais elle ne peut pas.

Aeron

La porte claque violemment faisant trembler les vitres. Aeron n’en tint aucun compte, comme d’habitude. Il se dirige à pas vif vers la cuisine, ouvre d’un geste brusque le frigidaire et inspecte le contenu avant de se décider pour la bouteille de coca qu’il dévisse et boit au goulot avant de la reposer sur le bar. Il réajuste les écouteurs à ses oreilles, sort sa clé mp3 de sa poche et passe le morceau suivant. Sa mère entre en soupirant. « Tu es obligé de chanter si fort quand tu écoutes ça ?

- Houai.

- Et tu ne peux pas choisir des musiques plus calmes ?

- Non. »

Sa mère lève les yeux au ciel et soupire encore.

Aéron sort de la cuisine. La porte claque derrière lui.

« Tu ne peux pas faire attention.

- Ce n’est pas moi » crie-t-il en montant l’escalier.

Une autre porte claque.

« Quelqu’un a encore laissé les fenêtres ouvertes ! »

Il entre dans sa chambre, s’assit à son bureau après avoir branché son ordinateur et croise les pieds sur la table. Faisant glisser sa souris optique sur la jambe, il branche son outlook pour retirer ses Mails. Il sourit soudain, se relève et attrape un sac à dos. Il le remplit en se remettant à chanter puis hésite. Il s’est déjà enfui deux ans plus tôt. Ses parents en avaient fait une maladie. Faut dire il n’avait que seize ans à l’époque. Aujourd’hui il en a dix huit. C’est différent. Il est majeur et il a amplement les moyens de se débrouiller.

Il s’approche de son ordinateur s’apprêtant à l’éteindre et se laisse distraire par un message d’un copain du lycée.

« Désolé pour la fête de samedi » écrit-il rapidement, « j’en serais pas.

- Tu déconnes » voit-il apparaître sur son écran

« Non, j’ai un truc à faire.

- Quoi ?

- Je vais retrouver une bande de cinglés

- ???

- Des illuminés qui se prennent pour des dragons réincarnés.

- J Une secte.

- Dans le genre oui.

- lol. Pourquoi ?

- Tu te rappelles ma dernière dissert ?

- Celle ou tu t’es collé zéro pour avoir dit que l’hédonisme consistait à faire un génocide si on avait le pouvoir de le faire si ça nous fait plaisir ?

- Oui

- ???.

- Peut être que ma bande d’illuminée fan de magie draconique pourrait me donner ma moyenne. » Sans attendre la réponse, il ferme sa connexion, éteint l’ordinateur et jette son sac par la fenêtre. Reste à savoir comment il irait. Il sourit. Ses parents l’appellent la tornade. Une injure mais il le prenait bien. Oui, il était un courant d’air. Il ne tenait pas en place, il chevaucherait le vent, il serait le vent, il serait rafale, il serait tempête, peut-être même arriverait-il le premier.

Pyros

Pyros regarde la mer. Il est seul. La saison est trop avancée, les touristes ont déserté aux derniers jours d’été et rares sont ceux qui vivent à l’année dans ce petit coin perdu des landes. Les vagues s’élançaient vers lui puis se retiraient avant de revenir, toujours plus près, toujours plus menaçantes. Elles ne sont pas si proches, ses pieds dépassent à peine la limite de la digue mais il lui semblait que la vague suivante allait l’avaler. Il fit encore un pas en inspirant profondément luttant contre sa répulsion, contre la peur qui l’envahissait face à cette masse liquide. Il recule d’un pas. D’un autre encore. Il fait demi tour et sent ses craintes s’éloigner au fur et à mesure que le bruit des vagues se fait plus lointain. Il s’engage dans une ruelle parallèle à la mer et ouvre la porte de sa maisonnette. Il y a quelques années, jamais il n’aurait osé habiter si près d’une telle masse d’eau. C’était un défi qu’il s’était lancé. Tous les jours il luttait contre l’océan ; il s’approchait, toujours plus proche ; il l’entendait gronder mais lui faisait face. Il arrivait jusque sur la plage maintenant. Il n’y restait pas longtemps mais il touchait le sable. Un jour c’est l’eau qu’il toucherait. Il en était sur. Et ce jour, il serait vainqueur. Il traverse le couloir trop sombre au centre de sa maison jusqu’au jardin, cueille les dernières pommes déjà entamées par quelques oiseaux et fait la grimace. Une rafale plus froide le saisit. Le froid tombait avec la fin du jour. L’automne était bien là. Il se frotte les mains, heureux de la chaleur qui s'en dégage et rentre. Il jette un œil aux documents étalés sur son bureau, les rassemble et en fait une pile. Il pense encore qu’il devrait prévenir les autres. Plus tard. Il fronce les sourcils. Sans doute était ce trop optimiste, certaines choses ne peuvent être cachées. Il réfléchit un instant, passe dans la cuisine et fait mentalement le listing de ses réserves. Il aurait dû faire les courses. Il avait horreur de ça. Il réfléchit encore, regarde sa montre. 19h. Il devrait avoir le temps. Il prend sa veste et sort. Le vent s’était intensifié lui apportant l’odeur de l’océan. Ca ne le gênait plus. Il le sentait à peine maintenant. La camionnette du vendeur de pizza était sur la place. Près de l’église. Il ne savait que commander. Il se décide pour celle qui s’appelait « totale ». Il fait doucement le tour de la place après avoir commandé puis s’assoit sur un muret jusqu’à ce que sa commande soit prête puis rentre chez lui heureux de la sensation de chaleur qui se dégage du carton. Il pose son butin au centre de la table, mais deux assiettes l’une en face de l’autre, deux fourchettes, deux couteaux, deux verres, une bouteille de bordeaux. Il se recule, regarde sa table d’un œil critique comme un artiste observerait son œuvre, ajoute un chandelier, frotte les mèches de deux bougies pour les allumer et se recule à nouveau. Il hoche la tête, satisfait. Il tourne la tête vers la porte, prit par une intuition soudaine. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Il réchauffa rapidement la pizza.

On sonnait à la porte.

Il s’essuya les mains contre son pantalon et se dirigea vers la porte. « Bonsoir » lui dit une voix douce et féminine.

« Bonsoir ». Il s’efface pour la laisser entrer se reculant la plus possible contre la porte. Elle est jeune. La trentaine. Plutôt jolie. Grande, brune, fine, de grands yeux bleues mais il ne peut s’empêcher de se méfier d’elle. Pourtant, il la connait. Il sait qu’il n’avait rien à craindre d’elle, Marine est la douceur incarnée. Mais elle lui faisait le même effet que l’océan. Comme une alarme dans sa tête qui lui souffle : danger, danger.

Il désigne la table. Elle s’assoit. Les bougies s’éteignent. Pyros fait la grimace. Il tourne l’interrupteur et une clarté jaune envahit la pièce. Il s’assoit face à elle et se concentre pour découper la pizza le plus équitablement possible afin d’éviter son regard puis mangent en silence. C’est elle qui se décide à parler : « Tu savais que je viendrais ? »

« Oui » dit-il. « J’ai reçu un appel de Pierre et je me doutais que tu ferais le détour pour t’assurer que je ne manque pas le rendez-vous ».

Elle lui sourit. Il avait mis dans le mille.

« Tu sais pourquoi ? »

Ce n’était pas difficile à deviner. Il ironisa cependant : « sans doute pour voir où j’habitais.

- Et jamais je ne t’aurais cru dans un endroit pareil, je suis agréablement surprise.

- J’ai fini les traductions » coupa-t-il « Enfin j’ai fait ce que j’ai pu ».

Elle acquiesce et reprend un morceau. « Tu ne comptais pas nous en parler.

- J’attendais le bon moment » mentit-il.

Ils finissent leur repas en silence. Il remarque le verre vide en face de lui. A force de vivre tel un ermite il en oubliait les bonnes manières. Il propose du vin, elle refuse et réclame de l’eau.

Il se lève et se dirige vers la cuisine. Il attrape la carafe, enfile des gants épais et tourne le robinet. Il ne craint pas cette eau. Elle est disciplinée, elle coule quand il lève le robinet, s’arrête sur son ordre quand il baisse le robinet, il peut la maîtriser. Il arrive même à se laver. Pour autant, il ne voit pas pourquoi il risquerait des éclaboussures inutiles aussi il préfère mettre des gants pour la manier. Il ramène la carafe et sert son invitée. Elle sourit. Il suit son regard posé sur ses gants. Il rougit, pose la carafe et les ôte. Elle ne fait aucun commentaire. Elle débarrasse la table tandis qu’il s’assoit dans un vieux fauteuil élimé mais confortable. Elle fouille dans les placards, en sort quelques sachets de tisane et remplit une tasse d’eau puis inspecte des yeux le reste de la cuisine. « Tu n’as pas de micro ondes ? »

Il se lève, prend sa tasse et la fait chauffer avant de se rasseoir. « Merci » dit-elle.

Il ne répond pas. Elle le regarde. Il prend un magazine et fait semblant de lire. « Je crois que c’est le moment dit-elle.

- Tu es venue me chercher ?

- Tu veux bien ? »

Il hausse les épaules. Il rassemble ses papiers, quelques affaires de rechanges et ouvre la chambre d’ami.

« Marine, Ca peut attendre demain »

Elle acquiesça, se lève en s’étirant, baille et se dirige vers la chambre qu’on lui proposait. Elle aussi est fatiguée. Elle avait enchaîné une longue route après 10 heures d'avion et ils pouvaient bien attendre encore un peu.

Pierre

« Une robe de velours, un parfum enivrant, une douceur aride, le vin, c’est le fruit de la terre qui se fait maîtresse de l’homme.

Une voix essoufflée : « monsieur Pierre, votre femme vous demande ».

Un verre reposé, tintement d’un ancien cristal sur le bois brut d’un fût dans un chai sombre.

Le vieil homme est irrité. Il ne peut porter sa colère sur le messager, il est déjà parti. Il se tourne vers son œnologue. Ce dernier se concentre plus intensément sur son verre. Les scènes de ménage de son patron ne le regardent pas.

« La terre ne t’apporte que du bon, elle te nourrit, elle te protège, elle est le cocon dans lequel on vit. Une femme, qu’est ce que ça t’apporte ? Du bruit ».

L’œnologue pose son verre. Il n’échappera pas à la discussion : « c’est votre fils qui est arrivé ?

- Mon petit fils. Le lâche que j’ai engendré envoie son fils me faire les yeux doux tandis qu’il me poignarde dans le dos ». Pierre soupire. Pourquoi la vie ne pouvait-elle pas se résumer à quelques rayons de soleil et un peu d’eau fraîche pour faire pousser la vigne. La faute de sa femme. La sienne aussi peut-être. S’il s’était davantage préoccupé de l’éducation de son fils, il aurait pu en faire quelque chose. Mais non, il avait fallu que se fainéant écoute sa mère, qu’il parte en ville, qu’il fasse des études. De la finance, voilà ce qu’il faisait. Brasser des bouts de papier et des chiffres sur un ordinateur. Et il avait eu le culot de lui demander s’il était fier de lui. Pour toute réponse, il lui avait répondu qu’il avait trouvé un jeune homme pour reprendre la propriété à sa suite. Son fils lui en voulait. Il disait qu’avec ses connaissances il ferait de ses terres un empire. Comme si c’était l’argent qui faisait pousser la vigne. Comme si des statistiques augmenteraient le rendement d'une vigne ; non, son fils n’aurait pas ses terres. Il n’en était pas capable et ne le méritait pas. Il se servit un autre verre de vin et le but d’un trait. Son œnologue s’était inventé une occupation urgente pour le laisser tomber.

La porte claque violemment, une bourrasque traverse les chais, les tempêtes d’automnes approchent. La porte grince encore un peu sous le courant d’air puis se referme. Des pas approchent. Le vieux ne se lève pas, il ne se retourne pas, ses articulations sont douloureuses. Il boit encore un verre de vin pour se donner des forces.

« Aeron, sale gosse, qui t‘a invité ?

- Marine.

- De quoi elle se mêle celle-là ? »

Il bougonnait pour le principe. Il était heureux que le jeune garçon soit venu. Il avait de l’affection pour lui. Si au moins son fils pouvait lui ressembler ? Mais il ne devait pas montrer ses sentiments, ce gosse était bien trop instable. Gâté, pourri. Un gosse des villes. Une bonne graine pourrie dans l’asphalte.

« Tu mériterais une bonne fessée gamin ». Il ne devrait pas lui parler ainsi, pas devant son apprenti qui était entré en même temps que ce courant d’air. Mais, il n’aimait pas l’air d’adoration que son assistant pouvait prendre devant le jeune Aeron. Les deux garçons avaient pratiquement le même age. C’est un coup du sort qui avait fait d’Aeron ce qu’il était. Un mauvais coup. Il était bien trop jeune. Une vraie tête de mule, comme les adolescents d’aujourd’hui et les mules ne comprenaient rien.

« Toujours à bougonner le vieux Pierre. Vous comptiez vous amuser sans moi ? »

La voila la jeunesse des villes, aucun respect pour rien, une gangrène.

« Moi, à ton age, si j’avais parlé de la sorte à un ancêtre, je me serais pris une bonne fessée déculottée. Et ça aurait été mérité.

- Mais vous n’êtes pas un ancêtre, vous êtes increvable pour le malheur de votre assistant et celui de votre progéniture ». Aeron se servit un verre de vin avant de continuer « J’ai aperçu votre descendance. Enfin je l’ai entendu fulminer avec votre chère et tendre sur des histoires d’héritage aussi j’ai préféré venir ici directement. »

Le vieil homme reprit le verre des mains d’Aeron tandis qu’il l’approchait de ses lèvres. « Attends d’avoir du poil au menton gamin.

- J’ai 18 ans.

- On dirait pas. Qu’as-tu dis à tes parents pour venir ici ?

- Rien. »

C’était bien ce qu’il craignait. Un sale gosse inconscient. Il se retourne et lui lance une baffe. Le petit se frotte la joue trop étonné pour répondre. Evidemment, chez lui, il ne devait pas en recevoir beaucoup. Trop gâté. Pierre fronce les sourcils. Dehors le vent se levait. Une tempête approchait ou peut-être un orage. Il entendait le tonnerre au loin. Il n’allait pas se laisser impressionner par un gamin mal élevé. Si ses parents ne faisaient pas leur boulot, il s’en chargerait. « Ca t’apprendra à fuguer »

Le gosse hésitait. Dans un coin sombre, l’assistant de Pierre s’était recroquevillé. Les yeux grands ouverts, il observait la scène. Aeron avait les poings crispés et les sourcils froncés, le vieux Pierre s’était resservi un verre et en admirait la robe sans plus se préoccuper ni de lui ni de la tempête.. Aeron se mit à rire soudainement. « Vous avez raison vieille bourrique, je les appellerais pour leur raconter un mensonge pertinent ».

Pierre grogne en signe d’assentiment. « Je peux te demander comment tu es venu ou la réponse ne me plairait pas ?

- La réponse ne vous plairait pas » dit-il avec un clin d’œil.

Pierre se concentra sur son verre baissant la tête pour que les deux jeunes ne le voient pas sourire. Il était fier de ce gosse mais il avait suffisamment la grosse tête, hors de question de lui montrer.

Il but encore un verre. « Vas voir ma femme » dit-il. « Dis lui que je t’ai embauché pour les vendanges et que je t’ai autorisé à prendre une des chambres réservées aux saisonniers ».

Le visage du gosse s’illumine « Merci m’sieur Pierre. J’y vais de suite ». Comme une tornade, il s’élança vers la porte et s’arrêta net. Juste un détail : « Vous ne comptez pas sérieusement me faire ramasser le raisin ? »

Le visage parcheminé, marqués par des années de soleil et de pluie, s’illumina soudain d’un sourire. « Et comment que tu vas vendanger, tu vas en baver gamin. Tu as voulu venir, je vais te faire trimer comme un bon serviteur de la terre.

- Mais…

- Pas de mais, tu as voulu venir, tu assumes, allez vas et repose-toi. Demain levé à cinq heure ».

Toute fierté avait disparu du visage d’Aeron. Il était furieux. Il s’était fait avoir.

Toujours perdu dans son coin sombre, l’assistant se mit à pouffer.

Aeron lui jeta un regard noir.

Le tonnerre roula encore dans le lointain.

Pierre jeta un regard assassin à son assistant. « Earth ! »

Il toussa. « Désolé. »

La porte claqua. Aeron était sorti.

Résumé

Quatre personnes : Pierre, Marine, Pyros, Aeron.
Quatre éléments : la terre, l'eau, le feu, l'air.
Quatre personnalités : Intansigeance, douceur, névrose, extraversion
Sujet de la trame : la magie draconique.
Le but : Acquérir le plus de pouvoir
L'histoire est lancée. Peut être le point de départ de l'action sera-t-il le meurtre de l'un d'eux mais rien est sur, cela dépendra de vos idées.